Livres à vous
Les coups de coeur du cercle de lecteurs
Bienvenue dans l’univers des coups de cœur de la bibliothèque du Galet ! Ici, nos lecteurs attentifs, passionnés et curieux, partagent avec vous leurs dernières découvertes littéraires. Romans poignants, essais percutants, polars haletants ou albums émouvants : chaque livre présenté a suscité un véritable enthousiasme, une émotion forte ou un débat animé. Ces suggestions sont le fruit d’échanges riches et conviviaux entre lecteurs de tous horizons. Laissez-vous guider par ces recommandations et, qui sait, peut-être trouverez-vous votre prochaine lecture marquante parmi leurs favoris…
Mercredi 24 septembre 2025, nous avons fêté les 10 ans de Livres à vous avec beaucoup de plaisir ! Un verre de l’amitié partagé entre les anciens et les nouveaux participants et plein de lectures à partager.
Romans
Le livre de Kells de Sorj CHALANDON (Grasset, 2025).
Dans ce roman, Sorj Chalandon nous raconte un nouvel épisode de sa vie, quand, à 17 ans, émancipé et sans finir son année scolaire, il fuit Lyon et son père, violent, antisémite, raciste pour aller à Ibiza, puis à Katmandou. En réalité, il ne dépassera pas Paris. Il décide de s’appeler KELLS, du nom d’un Evangéliste irlandais du Ixe siècle. Un an d’errance, dans la rue, vivant comme un paria, luttant pour sa survie, dans des conditions de violence extrêmes. Et il aura de belles rencontres, des personnes qui vont l’aider. Il va partager pendant quelques temps la vie d’un groupe hippy, où il fera l’expérience assez traumatisante de la drogue, rencontre un groupe Maoïste qui va le sortir de la rue, lui permettre de reprendre des études et de se réconcilier avec l’humanité, mais dont les méthodes sont très violentes. S’il découvre l’engagement politique avec intérêt, il fait aussi l’expérience plus douloureuse de l’extrémisme et de ses conséquences, lorsque l’un des membres du groupe trouve la mort…
Ce livre raconte la jeunesse engagée des années 70 et les événements de l’époque. Des noms ont été changés, des faits bousculés pour faire de ce livre un roman. Encore un roman passionnant de Sorj Chalandon. Une écriture immersive et fluide, malgré des passages très durs. On ne s’ennuie pas une seconde.
La madeleine Proust, une vie, série de quatre romans de Lola Sémonin (Pygmalion-Gérard Watelet, 2013).
Cette autrice fut humoriste dans des sketches où elle se moquait des francs-comtois. Elle-même franc-comtoise d’origine, elle en a tiré quatre romans, chacun correspondant à une époque précise. Elle s’est inspirée de souvenirs personnels mais surtout de témoignages qu’elle a recueillis auprès de paysans franc-comtois. Le premier tome, Quand j’étais petite, retrace la vie très pauvre d’une petite fille, Madeleine, et de sa famille dans le Haut Doubs. C’est l’histoire d’une France essentiellement paysanne dans les années 30, à travers le regard de cette petite fille. Le tout avec son langage à elle, haut en couleur, dans un parfait patois franc-comtois. C’est imagé et plein d’humour. Un roman en forme de témoignage savoureux et émouvant, qui donne envie de suivre les péripéties de Madeleine jusqu’au bout.
La liberté est une île lointaine, d’Eleanor SHEARER (Charleston, 2024).
Petite-fille d’émigrants caribéens, l’autrice est retournée dans les caraïbes pour interroger des militants, des historiens et des membres de sa famille afin d’écrire cette histoire, inspirée de faits réels. On est en 1834, et l’esclavage a été aboli. Mais à la Barbade, le système consistant à travailler pour un propriétaire un certain nombre d’années avant de prétendre à la liberté est encore en vigueur. On suit l’une de ces esclaves de la Barbade, Rachel, pour qui la liberté, c’est surtout de pouvoir retrouver les cinq enfants qui lui ont été enlevés à la naissance, pratique quasi-systématique à l’époque. Elle profite d’une révolte pour s’échapper et partir à leur recherche. Son périple va passer par Sainte-Lucie, la Guyane britannique et Trinidad. C’est un roman bouleversant sur les esclaves marrons, l’histoire de ces anciennes colonies britanniques et la résilience de ces femmes.
Ta promesse, de Camille Laurens (Gallimard, 2025).
Une écrivaine rencontre un metteur en scène de spectacles de marionnettes. Tous deux séparés, ils vont vivre une merveilleuse histoire d’amour et tenter de recréer une famille. Une merveilleuse histoire d’amour ? Pour qui ? Par l’intermédiaire d’amis, elle fait la connaissance de l’une des anciennes amoureuses de ce Gilles, qui ne semble pas aussi sain qu’il y paraît. Elle avait promis de ne jamais écrire une ligne sur lui, mais rompt sa promesse, depuis sa cellule, où elle est incarcérée après un geste malheureux. En effet, elle veut montrer qu’elle a été sous l’emprise de cet homme. La narratrice en profite non seulement pour disséquer l’illusion du grand amour mais aussi la société déshumanisée et narcissique dans laquelle nous vivons. Sans doute pas le meilleur roman de Camille Laurens, bien que le phénomène de l’emprise soit très bien décrit, dans un style maîtrisé.
Mon enfant, ma sœur, d’Eric Fottorino (Gallimard, 2025).
L’auteur continue sa quête d’identité, entamée dans ses précédents romans. Après avoir découvert l’existence d’un fantôme familial, une petite sœur, née trois ans après lui mais enlevée à sa mère et placée dans un établissement religieux (voir Dix-sept ans, Gallimard, 2018), il raconte, dans ce long monologue, poème en prose, ce qu’il imagine de la douleur de sa mère, qui reste couchée chaque 10 janvier, date à laquelle sa sœur est née, les regrets qui l’accablent. Puis comment il va peu à peu partir à la recherche de cette sœur disparue. Il dit l’amour qu’il a pour cette sœur inconnue, les chagrins, les blessures mais sans jamais accuser quiconque. La poésie rend ce récit délicat et sensible. Poignant.
Documentaire
Le piège américain, de Frédéric PIERUCCI et Matthieu ARON (J.C. Lattès, 2019).
Frédéric Pierucci était cadre chez Alstom et va être arrêté par le gouvernement américain dans un avion en 2013 en vertu de la législation anticorruption américaine (le Foreign Corrupt Practices Act). Fait prisonnier et incarcéré aux Etats-Unis, il sera lâché par son entreprise. Une histoire assez rocambolesque qui est pourtant vraie.
Matthieu Aron, journaliste, a enquêté et essayé de comprendre pourquoi et comment un homme, coupable de corruption selon la loi américaine mais otage au regard de la loi français, a servi de moyen de pression qui a finalement conduit à la vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric. Edifiant sur le dessous des cartes des enjeux économiques mondiaux et sur les pratiques américaines en particulier.
Romans Policiers
La souris qui voulait sauver l’ogre, de Françoise Guérin (Eyrolles, 2024).
C’est un thriller psychologique qui aborde de façon engagée des thèmes d’actualité : suicide, harcèlement, racisme, inégalités sociales. On y suit une psychologue, Maya van Hoerenbeck, qui fait partie de la cellule d’enquête Cornélia, spécialisée dans l’analyse psychologique des causes du suicide et chargée d’accompagnée l’entourage des victimes pour prévenir d’autres tentatives ou découvrir les causes qui ont amené une personne à mettre fin à ses jours. Maya est chargée d’enquêter sur la mort d’une jeune fille, Pauline, étudiante de classe préparatoire brillante mais en décalage social avec la majorité des élèves de son lycée très élitiste. Suicide ? Meurtre ? Une enquête passionnante, avec des personnages hauts en couleur et une psychologue attachante, au passé tourmenté. L’écriture est percutante, acérée. Une belle découverte.
Prix Noirceur des Pierres dorées
Les deux visages du monde, de David JOY, Sonatine, 2024.
C’est un roman complexe, entre polar et roman social. Nous sommes aux Etats-Unis, dans une petite ville rurale au pied des Appalaches où une jeune artiste plasticienne, Toya Gardner, décide de passer l’été, chez sa grand-mère. Toya est une artiste très engagée, bien décidée à dénoncer le passé esclavagiste et les cicatrices très profondes que cette histoire a laissé derrière elle. Ce n’est évidemment pas du goût de tout le monde et elle va ainsi créer au mieux des incompréhensions, au pire de violentes tensions entre les habitants. Au même moment, un voyageur étrange, suprémaciste blanc est arrêté à Sylva par l’un des policiers du comté… Et quelques semaines plus tard, deux crimes sont commis. On suit plusieurs personnages, notamment la grand-mère de Toya et le shérif Coggins, ami de la famille, dont les dialogues sont magnifiques. L’auteur prend son temps, multiplie les points de vue et les pistes, fait des allers-retours dans le passé pour nous raconter cette Amérique sudiste qui n’en a pas fini de panser ses blessures. L’auteur va vraiment au fond des choses, à la racine du mal, appuie là où ça fait, sans jamais être moralisateur. Un roman policier très fort.
Extrait :
« L’arbre qui possède les racines les plus profondes dans ce pays est l’arbre du suprémacisme blanc. Et le fait est qu’il n’est pas nécessaire d’être celui qui a planté cet arbre ou qui a veillé à l’arroser ou qui en a taillé les branches pour être celui qui bénéficie personnellement de l’ombre qu’il fournit. Il y a tout un tas de gens qui sont assis confortablement sous cet arbre, et certains d’entre eux savent fort bien où ils sont assis et restent tout simplement là à ne rien faire car ils aiment cet endroit où ils sont assis, et puis il y en a d’autres qui n’admettent même pas l’existence de cet arbre. »
L’attaque du Calcutta-Darjeeling (Gallimard, 2017),
Premier volet d’une série de l’auteur Abir MUKHERJEE. Un lieu et une époque que l’on ne rencontre pas fréquemment dans les romans policiers : l’Inde coloniale. On suit les enquêtes de Sam Wyndham, ancien inspecteur de Scotland Yard traumatisé par la Grande Guerre, à Calcutta en 1919. A peine arrivé, il est envoyé sur la scène du meurtre d’un haut-fonctionnaire, dans un quartier peu fréquentable de la ville. Sur fond d’instabilité et de violences politiques, on suit l’enquête de ce capitaine qui a perdu toutes ses illusions, et on découvre avec lui une partie de l’Inde avec la chaleur humide et étouffante, une société injuste et corsetée, raciste, hypocrite et aussi très bordélique. Tous les ingrédients d’un bon roman d’enquête sont là : un humour décapant bien brittish qui n’épargne ni les Indiens ni les Britanniques.
Bandes dessinées
Le clan des Otori T. 1 : Le silence du rossignol,
D’après l’œuvre de Lian Hearn (parue au début des années 2000 en France), et adaptée en B.D par Benjamin Bachelier et Stéphane Melchior.
Dans un Japon médiéval mythique, le jeune Takeo grandit au sein d’une communauté qui condamne la violence. Mais celle-ci est massacrée par les hommes d’un clan, les Tohan. Takeo sera sauvé par Sire Shigeru, du Clan des Otori. Guerres de clans, vengeance, honneur, fidélité, amours contrariées, poésie et même, une forme de magie dont dispose une secte d’assassins : tous les ingrédients d’une belle fresque épique et fantastique sont réunis. Le dessin n’est pas dans le style traditionnel de la B.D. C’est un dessin assez épuré, graphique, à la plume, qui retranscrit extrêmement bien le mouvement des personnages, avec de belles scènes d’action. Et on sent l’influence de l’estampe japonaise dans les décors et les costumes, aux couleurs et motifs chatoyants. Une adaptation très réussie.
Guerres et dragons T. 1 : La bataille d’Angleterre,
De Nicolas Jarry et David Courtois au scénario et Vax et Vincent Powell au dessin et à la couleur (Soleil, 2024)
Pour la grande Histoire : 1940. Hitler souhaite un traité de non-agression avec l’Angleterre, mais celle-ci repousse la proposition. L’armée allemande se prépare donc à attaquer les côtes anglaises. Pour la petite histoire, Alexandra et son jeune frère doivent fuir l’Angleterre et la guerre pour les États-Unis. Leur père et leur grand frère son pilotes à la Royale Air Force. Mais Alexandra est approché par un dragon qui se lie avec elle… Sur une base scénaristique assez classique dans le genre fantastique (un lien se crée entre un dragon et un humain), les deux scénaristes férus de Fantasy se sont amusés à mélanger l’histoire avec un grand H à un univers fantastique. Une autre façon de raconter l’Histoire, très réussie, notamment grâce à la finesse du trait de Vax, un sens du détail magnifique qu’il s’agisse des dragons ou des éléments du monde réel et au très beau travail des couleurs de Powell. L’incursion de ces dragons dans le monde réel se fait très naturellement et se laisse emporter par cette histoire. 3 autres tomes disponibles